Vie du MEDEF

Revivez #LaREF21 - "Prisonniers du libre-échange ou souverains pour être libres ?"

Avec la participation d'Agnès Benassy-Quéré, Nicolas Hieronimus, Olivier Marleix, Denis Payre, Frank Riester, Boris Vallaud et animé par Nicolas Beytout.

Verbatim

- Frank Riester : "Nous avons encore des progrès à faire en matière de commerce mondial, mais la stratégie qui est la nôtre commence à payer."
- Frank Riester : "Nous pensons que nous pouvons allier souveraineté et augmentation des échanges commerciaux."
- Frank Riester : "Nous avons besoin d'aller plus loin en termes d'internationalisation de notre économie, mais pas à n'importe quel prix. Pas au prix de notre souveraineté."
- Frank Riester : "Nous devons avoir une politique commerciale moins naïve."
- Frank Riester : "Nous devons aussi mieux réguler les échanges pour que notre politique commerciale soit plus résiliente, plus durable et plus responsable."
- Agnès Bénassy-Quéré : "Les principaux mérites du libre-échange sont l'efficacité et l'accès à une plus grande diversification de produits. En plus, cela permet une amélioration du pouvoir d'achat des ménages."
- Agnès Bénassy-Quéré : "Les chaînes d'approvisionnement européennes sont sûres."
- Agnès Bénassy-Quéré : "Il y a certes un problème de vulnérabilité de l'approvisionnement sur 121 produits. Mais cela concerne les échanges extra-européens. Et la France est moins exposée à ce problème que l'Allemagne par exemple."
- Nicolas Hieronimus : "L'Oréal est une entreprise française, mais nous avons des usines partout et notre croissance est totalement favorisée par le libre-échange."
- Nicolas Hieronimus : "Il faut des règles du jeu et l'Europe a une puissance normative qu'elle doit exercer."
- Nicolas Hieronimus : "En tant que leader, on se doit de donner l'exemple."
- Nicolas Hieronimus : "Tous nos produits de grande consommation sont fabriqués au plus près des consommateurs, en revanche tous nos produits de luxe sont fabriqués en France."
- Olivier Marleix : "Face à une crise mondiale, un pays doit être en mesure de fournir à ses citoyens les produits essentiels. Cela n'a pas été le cas avec les masques par exemple au début de la crise sanitaire. En France, nous avons une vision beaucoup trop naïve face au marché mondial."
- Olivier Marleix : "Aujourd'hui nous subissons une concurrence mondiale souvent insoutenable, car les autres pays n'ont pas toujours les mêmes règles que nous, il est donc temps de changer de logiciel."
- Olivier Marleix : "On a perdu en France le souci d'un Etat qui accompagne les entreprises."
- Boris Vallaud : "Il faut espérer que nous soyions revenus de notre naïveté française et européenne et que nous allons cesser d'être les idiots du village global."
- Boris Vallaud : "Il ne doit plus y avoir de libre-échange en échange de rien. Il faut renégocier les conditions de la mondialisation. Nous devons préciser notre politique industrielle et avoir un Etat stratège qui accompagne les entreprises. Et il nous faut inaugurer un nouvel esprit d'entreprise, dont la question de la compétitivité sociétale et environnementale doit être un élément fondamental."
- Denis Payre : "Je suis aujourd'hui beaucoup plus réservé sur le libre-échange, car nous lui devons une grande partie de la désindustrialisation de notre pays."
- Denis Payre : "Aujourd'hui, nous avons un libre-échange déséquilibré et sans éthique."
- Denis Payre : "Pour les industries stratégiques, nous devons mettre en place des systèmes d'ajustement aux frontières, comme on a commencé à le faire pour le carbone. C'est le seul moyen de recréer une juste concurrence avec les pays qui n'ont pas les mêmes normes que nous."
- Nicolas Hieronimus : "Si nous instaurons des taxes aux frontières, il y aura des taxes en retour. Je suis plutôt favorables à des accords."
- Frank Riester : "Attention de ne pas renforcer des tensions commerciales, qui sont déjà fortes !"
- Agnès Benassy-Quéré :"Faisons très attention à l'impact des mécanismes d'ajustement sur tous les produits intermédiaires."
- Denis Payre : "La Chine a aujourd'hui le capital intellectuel pour lutter dans tous les domaines."

Pour aller plus loin

Souverain pour être libre ?

Souveraineté et liberté des échanges : le couple infernal. De quoi la souveraineté est-elle le nouveau nom ? Protectionnisme ou autonomie stratégique ? Accords avec la Chine, le Royaume-Uni, Mercosur. Et si le monde d’après était le monde d’avant ? L’Europe cesse-t-elle enfin d’être naïve ? La souveraineté sera au cœur du quatrième débat de la demi-journée, souveraineté politique bien sûr, mais aussi souveraineté économique, sujet qui a pris toute son acuité avec la pandémie, qui a vu l’Europe bien démunie pour avoir délocaliser trop de production de biens essentiels. D’où la question de savoir si l’organisation politique du monde actuel, construite autour de la mondialisation libérale et de l’économie de marché, est toujours adaptée aux défis majeurs de notre époque, réchauffement climatique en tête. Un peu partout on appelle à un retour aux notions d'Etat et de souveraineté, voire de protectionnisme. Mais la souveraineté étatique, choix qu’a fait Boris Johnson, nous rend-t-elle plus libres ?

La souveraineté nationale est un principe de la Constitution de 1958 : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 (…) elle appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Transposée au champ économique, la souveraineté de la France que certains politiques appellent fortement de leurs vœux est-elle possible et jusqu’où ? Doit-elle pour autant nous conduire jusqu’à l’autarcie et à l’isolationnisme ? Ne serait-ce pas signer irrémédiablement notre déclin en nous mettant « hors du monde » ?  Pour éviter les excès, quel contenu convient-il de donner à notre souveraineté économique, tout en permettant à la France de « croire en son génie » ? Génie civil, nucléaire, technologies numériques, armement, finance, santé, transports, luxe… Nous disposons en effet en France de savoir-faire et de technologies hors normes et de capacités d’innovations. Comment les exploiter au mieux ? Plutôt que de miser sur une souveraineté économique défensive ne vaut-il pas mieux choisir l’offensive autour de la relocalisation de quelques productions essentielles et stratégiques, de rattrapages technologiques et de politiques d’attractivité du territoire ?

Mais surtout, pour rivaliser avec les géants américains et chinois la souveraineté économique ne doit-elle pas se penser au niveau européen plutôt qu’au niveau national ? La Constitution de 1958 stipule d’ailleurs que « la France peut consentir à des limitations de souveraineté lorsqu'elle participe à des engagements internationaux ». A l’aune de la crise sanitaire, l’Europe semble sortie de sa naïveté légendaire en termes de politique commerciale et les Européens ont compris qu’ils devaient bâtir leur autonomie stratégique afin de devenir un véritable acteur international. Fermeté, environnement et ouverture, tels sont les principes fondamentaux de la nouvelle stratégie européenne présentée en février dernier.  L'UE entend rester une économie ouverte mais veut également se défendre contre les pratiques commerciales déloyales.

Depuis 2017, Emmanuel Macron plaide pour la « souveraineté européenne » et Ursula von des Leyen lui a donné raison en affirmant à son tour que l’Union était « désormais prête à assumer et renforcer sa puissance ». Reste à savoir si elle saura dépasser les divergences et les craintes de certains de ses membres pour atteindre ce but ?